Page:Anatole France - Le Petit Pierre.djvu/344

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Esther n’était pas fermière, Athalie n’était pas une petite mendiante, Esther n’avait pas rencontré Athalie au bord du chemin. Alors j’avais rêvé ! Rêve charmant ! Que la réalité était triste et ennuyeuse auprès de mon songe ! Je fermai le livre et me promis bien de ne jamais le rouvrir. Je ne me suis pas tenu parole.

Ô doux et grand Racine ! le meilleur, le plus cher des poètes ! telle fut ma première rencontre avec vous. Vous êtes maintenant mon amour et ma joie, tout mon contentement et mes plus chères délices. C’est peu à peu, en avançant dans la vie, en faisant l’expérience des hommes et des choses, que j’ai appris à vous connaître et à vous aimer. Corneille n’est près de vous qu’un habile déclamateur, et je ne sais si Molière lui-même est aussi vrai que vous, ô maître souverain, en qui réside toute vérité et toute beauté ! Dans ma jeunesse, gâté par les leçons et les exemples de ces barbares romantiques, je n’ai pas compris tout de suite que vous étiez le plus profond comme le plus pur des tragiques ; mes regards manquaient de force pour contempler votre splendeur. Je n’ai pas toujours parlé de vous avec assez d’admiration ; je n’ai jamais