Page:Anatole France - Le Petit Pierre.djvu/85

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silence qui y régnait me glaçait le cœur. Et, pour l’emplir, Mélanie était vraiment trop petite : à peine son bonnet tuyauté dépassait-il ma tête. Je l’aimais, Mélanie, je l’aimais de toutes les forces de mon égoïsme enfantin ; mais elle n’occupait pas assez mon esprit. Ses paroles me semblaient insipides. Avec ses cheveux gris et son dos qui se faisait rond, elle me semblait plus puérile que moi. L’idée de vivre une semaine entière seul avec elle me désespérait.

Elle essaya de me consoler : elle me dit qu’une semaine était vite passée ; que ma mère me rapporterait un joli petit bateau que je ferais naviguer sur le bassin du Luxembourg ; que mon père et ma mère me conteraient leurs aventures de voyage, et me décriraient si bien le beau port du Havre, que j’y croirais être moi-même.

Et il faut reconnaître que ce dernier trait n’était pas mauvais, puisque le pigeon du fabuliste l’employa pour consoler de son absence sa tendre compagne. Mais je ne voulais pas être consolé. Je ne croyais pas que ce fût possible et je jugeais que ce serait moins beau.

Ma tante Chausson vint dîner avec moi. Je