Page:Anatole France - Le Puits de sainte Claire.djvu/228

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Et l’empereur Charles n’en vit pas une pareille le jour de son sacre.

Celui seul contempla de ses yeux mortels une roue plus splendide, qui, conduit par une dame, entra vêtu de chair au Saint Paradis. Et cette rose semblait faite de lumière et elle était vivante. À la bien regarder, on s’apercevait qu’elle était formée d’une multitude de figures animées, et que des hommes de tout âge et de tout état, en foule pressée, composaient le moyeu, les bras et la jante. Ces hommes étant vêtus selon leur condition, on reconnaissait aisément le pape, l’empereur, les rois et les reines, les évêques, les barons, les chevaliers, les dames, les écuyers, les clercs, les bourgeois, les marchands, les procureurs, les apothicaires, les laboureurs, les ribaudes, les maures et les juifs. Et, parce que tous les habitants de la terre paraissaient sur cette roue, on y voyait les satyres et les cyclopes, les pygmées et les centaures que l’Afrique nourrit dans ses sables brûlants, et les hommes que rencontra Marco Polo le voyageur, lesquels naissent sans tête, avec un visage au-dessous du nombril.

Et des lèvres de chacun de ces hommes