Page:Anatole France - Le Puits de sainte Claire.djvu/269

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

la prudence seule les conserve, refusa d’exposer une si grosse somme au péril de la mer et de la fortune, Fabio s’adressa ensuite au seigneur Andrea Morosini, qu’il avait autrefois obligé de toutes les manières.

— Très aimé Fabio, lui répondit Andrea, à d’autres qu’à vous je prêterais volontiers cette somme. Je n’ai point d’attachement pour les pièces d’or et me conforme, sur ce point, aux maximes d’Horace le satirique. Mais votre amitié m’est chère, Fabio Mutinelli, et je risquerais de la perdre en vous prêtant de l’argent. Car, le plus souvent, le commerce du cœur va mal entre débiteur et créancier. J’en ai vu trop d’exemples.

Sur cette parole, le seigneur Andrea fit mine d’embrasser tendrement le marchand et lui ferma la porte au nez.

Le lendemain, Fabio alla chez les banquiers lombards et florentins. Mais aucun ne consentit à lui prêter seulement vingt ducats sans caution. Il courut tout le jour de comptoir en comptoir. Partout on lui répondait :

— Seigneur Fabio, nous vous connaissons pour le marchand le plus probe de la ville, et