Page:Anatole France - Le Puits de sainte Claire.djvu/61

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chassaient ensemble et s’aimaient parfois jusqu’à porter les uns et les autres des vêtements tout semblables. Mais il évitait également la société des dames et les assemblées des jeunes hommes, et son humeur fière et sauvage ne se plaisait qu’à la solitude.

Il demeurait souvent enfermé tout le jour dans sa chambre et s’allait promener tout seul sous les yeuses du chemin d’Ema à l’heure où les premières étoiles tremblent dans le ciel pâle. S’il se rencontrait par hasard avec des cavaliers de son âge, il ne riait point et ne prononçait que peu de paroles. Encore n’étaient-elles pas toujours intelligibles. Cette allure étrange et ces discours ambigus affligeaient ses compagnons. Messer Betto Bruneleschi en était contristé plus que tout autre, car il aimait chèrement messer Guido et il n’avait pas de plus ardent désir que de l’attirer dans la confrérie où s’étaient réunis les plus riches et les plus beaux gentilshommes de Florence, et dont il était lui-même l’honneur et la joie. Car on tenait messer Betto Bruneleschi pour une fine fleur de chevalerie et pour le plus habile cavalier de toute la Toscane, après messer Guido.