Page:Anatole France - Le Puits de sainte Claire.djvu/63

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à pantures un des livres nouvellement venus de Constantinople, le posa sur un pupitre et commença de le feuilleter. C’était un traité de l’Amour, composé en langue grecque par le divin Platon. Il soupira ; ses mains tremblèrent, ses yeux se remplirent de larmes.

— Hélas ! murmura-t-il, sous ces signes obscurs est la lumière, et je ne la vois pas !

Il se parlait à lui-même de la sorte, parce que la connaissance de la langue grecque était alors tout à fait perdue en Occident. Après avoir gémi longtemps, il prit le livre et, l’ayant baisé, il le déposa dans le coffre de fer comme une belle morte dans son cercueil. Puis il demanda au bon fra Sisto le manuscrit des harangues de Cicéron, qu’il lut jusqu’à ce que les ombres du soir, baignant les cyprès du jardin, eussent étendu sur les pages du livre leurs ailes de chauve-souris. Car il faut savoir que messer Guido Cavalcanti cherchait la vérité dans les écrits des anciens et tentait les voies ardues par lesquelles l’homme se rend immortel. Dévoré du noble désir de trouver, il mettait en canzones les doctrines des anciens sages sur l’Amour qui conduit à la Vertu.