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Page:Anatole France - Les Contes de Jacques Tournebroche.djvu/153

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vieille Mélantho lui versait le vin noir dans une coupe d’argile semblable à celle qu’il avait donnée au Dieu.

Quand il eut apaisé sa faim et sa soif, il demanda si tout était bien dans la maison et dans l’étable. Et il s’enquit de la laine tissée en son absence, des fromages mis sur l’éclisse et des olives mûres pour le pressoir. Et, songeant qu’il possédait peu de biens, il dit :

— Les héros nourrissent dans les prairies des troupeaux de bœufs et de génisses. Ils ont des esclaves beaux et robustes en grand nombre ; les portes de leur maison sont d’ivoire et d’airain, et leurs tables sont chargées de cratères d’or. La force de leur cœur leur assure des richesses, qu’ils gardent parfois jusqu’au déclin de l’âge. Certes, dans ma jeunesse, je les égalais en courage, mais je n’avais ni chevaux, ni chars, ni serviteurs, ni même une armure assez épaisse pour les égaler dans les combats et pour y gagner des trépieds d’or et des femmes d’une grande beauté. Celui qui combat à pied, avec de faibles armes, ne peut pas tuer beaucoup d’ennemis, parce que lui-même il