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d’autres après lui le savent. Vous-même, Fra Ambrogio, n’avez-vous pas lu dans votre livre : « L’homme meurt de même que la bête. Leur condition est la même » ?

Mais si, comme les âmes communes, je croyais en Dieu, je le prierais de me laisser, après ma mort, ici tout entier, et d’enfermer mon âme avec mon corps dans mon tombeau, sous les murs de mon beau San Giovanni. A l’entour, on voit des cuves de pierre taillées par les Romains pour leurs morts, et maintenant ouvertes et vides. C’est dans un de ces lits que je veux me reposer enfin et dormir. Dans ma vie j’ai souffert cruellement de l’exil, et je n’étais qu’à une journée de Florence. Plus éloigné d’elle, je serais plus malheureux. Je veux rester toujours dans ma ville bien-aimée. Puissent les miens y rester aussi !

FRA AMBROGIO.

Je vous entends avec épouvante blasphémer le Dieu qui fit le ciel et la terre, les montagnes de Florence et les roses de Fiesole. Et ce qui m’effraye le plus, messer Farinata degli Uberti,