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Page:Anatole France - Les Contes de Jacques Tournebroche.djvu/293

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ce que nous vaut un gouvernement sans force et sans probité.

» Les hommes probes, ajouta-t-il, fournissent seuls à l’autorité un appui solide. Les corrompus m’inspirent un insurmontable dégoût. On ne peut gouverner avec eux. »

Monge, qui était patriote, dit avec fermeté :

— La probité est nécessaire à la liberté comme la corruption à la tyrannie.

— La probité, reprit le général, est une disposition naturelle et intéressée chez les hommes nés pour le gouvernement.

Le soleil trempait dans le cercle de brumes qui bordaient l’horizon son disque agrandi et rougi. Le ciel était semé, vers l’orient, de nuées légères comme les feuilles d’une rose effeuillée. La mer agitait mollement les plis de vermeil et d’azur de sa nappe luisante. La toile d’un navire parut à l’horizon et l’officier de service reconnut, dans sa lunette, le pavillon anglais.

— Faut-il, s’écria Lavallette, faut-il que nous ayons échappé à d’innombrables dangers pour périr si près du rivage !