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grand fossé avec sa lance et criait qu’on y jetât des bourrées.

Dans la ville on entendait gronder les canons et tout le long des rues les bourgeois, courant, à demi harnachés, à leur poste des remparts, renversaient les petits enfants qui allaient à la moutarde. On tendait les chaînes et l’on élevait des barricades. Et le tumulte et le trouble étaient partout.

Mais ni le frère Joconde ni ses pénitentes ne s’en apercevaient, parce qu’ils n’avaient souci que des choses éternelles et qu’ils considéraient comme un jeu la vaine agitation des hommes. Ils allaient par les rues chantant le « Veni creator Spriritus » et criant : « Priez. Les temps sont proches. »

Ils suivirent ainsi, en bel ordre, la rue Saint-Antoine, qui était très fréquentée d’hommes, de femmes et d’enfants. Parvenu à la place Baudet, frère Joconde perça la foule des habitants et monta sur une grosse pierre qui se trouvait à la porte de l’hôtel de la Truie, et dont messire Florimont Lecocq, le maître de l’hôtel, s’aidait pour enfourcher sa mule.