Page:Anatole France - M. Bergeret à Paris.djvu/104

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des contes à ses petits enfans ; mais que ils servent la cité ces Trublions à braire comme asnes en foire. Et disons, pour estre juste, que, ce faisant, pensoient bien faire. Car ne avoient en propre que les nuages de leur cerveau et le vent de leur bouche, et souffloient à force pour le bien public et commun prouffict.

» Et ne crioient pas tant seulement « Longue vie au vieil coronel ! » ains crioient encore sans répit qu’ilz amaient la cité. En quoi ils faisoient griève offense aux aultres citoyens, en donnant à entendre que ceulx-ci, qui ne crioient point, n’amaient point la cité maternelle et doux lieu de naissance. Ce qui est imposture manifeste et insupportable injure, car les hommes sucent avec le premier laict ce naturel amour, et est doux à respirer l’air natal. Or estoient de ce temps en la ville et contrée moult prud’hommes et saiges, lesquels amaient leur cité et republicque d’une plus chère et pure amour que