Page:Anatole France - Pierre Nozière.djvu/131

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Ce puissant paysagiste ne sentait la beauté et la laideur que dans le monde végétal. Et le sauvage s’était amusé à faire des caricatures de chênes et d’ormeaux.

Quant au règne humain, il n’en connaissait qu’Euphémie, qui, décidément, lui semblait une personne bien agréable. Avant le dîner, il tournait autour d’elle dans la cuisine, à la clarté des fourneaux, tandis que Jacobus Dubroquens m’expliquait la triade gauloise devant la salière et le moutardier de la petite table.

Comme il eût exprimé la triade en peinture ! Il ne lui manquait qu’une toile de vingt mètres carrés, et la République.

En attendant, il composait des modes pour poupées, dessinait les trois temps de l’extraction des cors d’après la méthode Édouard et peignait des rosiers de Marie sur moelle de sureau.

C’était un bien honnête homme. Il ne laissait rien deviner du mystère douloureux de sa vie et, en toute rencontre, dissertait sur l’art et la philosophie, d’un esprit paisible et content.

Mais nous allons où le destin nous mène, et les plus fidèles d’entre nous abandonnent l’un après l’autre leurs vieux compagnons sur le chemin, sur le dur chemin de la vie. Au long