Page:Anatole France - Pierre Nozière.djvu/132

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de ma dernière année de droit, je perdis de vue les deux copains. Dans la suite, le nom de Jean Meusnier, devenu célèbre, me fut rappelé tous les jours par les journaux qui le citaient avec des louanges. Les tableaux du maître, je les voyais au Salon, aux Mirlitons, au Volney, chez Georges Petit, chez les amateurs de peinture et chez les femmes à la mode. Les vitrines des papetiers me montraient à l’envi son visage connu de vieux dieu rustique.

Mais du pauvre Jacobus Dubroquens, point de nouvelles ! Je m’imaginais qu’il n’était plus de ce monde et que la mort clémente l’avait doucement emporté hors de cette terre, qu’il n’avait jamais vue que dans un rêve et à travers un nuage.

Mais, un beau jour de l’automne 1896, comme je prenais à la station des Tuileries le bateau qui descend la rivière, je remarquai, sur le pont, un vieillard assis à l’avant, qui, drapé dans un vieux manteau rapiécé et portant sur l’oreille un feutre romantique, posait complaisamment sur un carton à dessin une main encore belle et gardait l’attitude du génie méditatif.

Je reconnus, sous ses soixante-dix ans, le