Page:Anatole France - Pierre Nozière.djvu/162

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magnifiquement dans sa maison de Mascate, était l’homme le plus joli, le plus discret, le plus cérémonieux qu’il fût possible de rencontrer. Je vous ai dit que c’était un lettré. Il s’occupait surtout d’histoire. Je crois que c’était l’esprit le plus cultivé de Mascate. Il avait à peu près autant de philosophie que notre Froissart. Je le compare volontiers à Froissart parce que l’Arabe actuel ressemble assez par la puérilité chevaleresque à nos seigneurs du XIVe siècle. Il se nommait Djeber-ben-Hamsa. Il m’expliqua avec une politesse parfaite ce qu’il attendait de moi. Il venait en Europe étudier les mœurs des Occidentaux, et commençait par la France, qui l’intéressait plus que toute autre nation, comme ayant manifesté avec un éclat incomparable sa puissance et sa justice en Orient. Il comptait visiter ensuite l’Angleterre et l’Allemagne. C’est la meilleure société qu’il désirait voir. Et il venait me demander que je lui fisse la faveur de le présenter dans les salons les mieux fréquentés de Paris. Je le lui promis bien volontiers. Il y avait alors à Paris une société charmante. Le souvenir d’y avoir été mêlé fait encore aujourd’hui la douceur de ma vie. Vous ne pouvez imaginer ce qu’était l’art