Page:Anatole France - Pierre Nozière.djvu/179

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père et ne lui donne pour punition que le remords d’avoir porté les armes contre sa patrie. » Le Marié et la Mariée se faisant pendant des deux côtés de la glace ; la Bergère Estelle, avec sa houlette enroulée d’une faveur rose ; Joséphine, une ferronnière au front. Un distique révèle le secret de Joséphine :


L’attente du plaisir fait palpiter ton cœur,
Et dans l’espoir du bal tu mets tout ton bonheur.


Cette imagerie est morte. La photographie l’a tuée. J’ai ici autour de moi, dans de petits cadres, une vingtaine de portraits-cartes ; des gens à cheveux lisses avec des yeux qui leur sortent de la tête, des cousins et des cousines (cela se voit) ; des enfants, les plus petits tout en bouche, l’œil presque ferme, faisant la moue. Les paysans n’achètent plus d’Estelle, ils se font tirer leur portrait. Les seules gravures nouvelles qui pendent au mur de cette chambre sont les attestations de première communion, signées du curé, et représentant une rangée de petits garçons et de petites filles agenouillés à la sainte table, tandis que le Père Éternel les bénit par le ciel entr’ouvert.