Page:Anatole France - Pierre Nozière.djvu/229

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nommé, disent les gens du pays, car ceux qui y vivent gagnent peu. Le Courgain s’étend derrière la rue de la Ferté, sur une rampe assez rude. Des maisonnettes, qui auraient l’air de joujoux si elles étaient plus fraîches, se pressent les unes contre les autres, sans doute pour n’être point emportées par le vent. Là, on voit à toutes les portes de jolies têtes barbouillées d’enfants, et çà et là, au soleil, un vieillard qui raccommode un chalut, où une femme qui coud à la fenêtre derrière un pot de géranium. Cette population, me dit-on, souffre beaucoup en ce moment.

Elle est ruinée par les pêcheries étrangères, qui jettent en abondance le poisson sur nos marchés. Ces simples n’ont pas, pour le combat de la vie, d’autres armes que leur barque et leur filet. Ce sont de grands enfants qui connaissent les ruses des poissons et ne connaissent point celles des hommes. En les voyant, on est pris de sympathie et d’amitié pour eux. La vie les use comme le temps use les pierres, sans toucher au cœur. La vieillesse même ne les rend point avares. Ils s’aident les uns les autres. Ce sont les seuls pauvres qui ne s’évitent point entre eux. Justement je vois passer sous ma