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Page:Anatole France - Pierre Nozière.djvu/303

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de tout point contraires à l’esprit même du poème. Car l’ingénieux Ulysse, cher à la vierge Athéné, y est voué à la destinée des impies et des maudits, promis au châtiment des Caïn et des Ahasverus. Et si le devin laisse entrevoir la rémission finale, les menaces qu’il profère, s’accordant d’ailleurs avec des légendes qui nous ont été conservées, donnent le caractère d’un réprouvé au héros dont les contes homériques ont fait le type du parfait Hellène. Ici l’on a cousu à la vieille tapisserie un lambeau d’une tapisserie plus vieille encore et plus sombre.

Après avoir entendu cette prophétie, Ulysse veut interroger, sans tarder davantage, l’ombre de sa mère, et il semble, d’après une question qu’il fait à Tirésias, que, s’il n’a pas appelé encore la morte bien-aimée, c’est qu’il ne savait pas comment s’y prendre. Dans ce cas, nous avons accusé faussement d’insensibilité le rude roi pirate, si admiré des matelots et des pêcheurs hellènes, qui erra longtemps sur la mer stérile. Mais nous avons vu qu’instruit en nécromancie par la magicienne Circé, il avait évoqué sa mère sans même le vouloir, et nous croirons plutôt qu’il trompa Tirésias. Il était menteur