Page:Anatole France - Pierre Nozière.djvu/70

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pauvre Étienne marche avec les siennes : il n’y a pas de concert possible. Étienne court, souffle, crie, mais il reste en arrière.

Les grands, ses aînés, devraient l’attendre, direz-vous, et régler leur pas sur le sien. Hélas, ce serait de leur part une haute vertu. Ils sont en cela comme les hommes. En avant, disent les forts de ce monde, et ils laissent les faibles en arrière. Mais attendez la fin de l’histoire.

Tout à coup, nos grands, nos forts, nos quatre gaillards s’arrêtent. Ils ont vu par terre une bête qui saute. La bête saute parce qu’elle est une grenouille, et qu’elle veut gagner le pré qui longe la route. Ce pré, c’est sa patrie : il lui est cher, elle y a son manoir auprès d’un ruisseau. Elle saute.

C’est une grande curiosité naturelle qu’une grenouille.

Celle-ci est verte ; elle a l’air d’une feuille vivante, et cet air lui donne quelque chose de merveilleux. Bernard, Roger, Jacques et Marcel se jettent à sa poursuite. Adieu Étienne, et la belle route toute jaune ; adieu leur promesse. Les voilà dans le pré, bientôt ils sentent leurs pieds s’enfoncer dans la terre grasse qui nourrit une herbe épaisse. Quelques pas encore et ils