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LES POÈMES DORÉS


En souvenir de l’âge où leurs aïeux antiques,
D’un givre séculaire étreints rigidement,
Respiraient les frimas, seuls, sur l’escarpement
Des glaciers où roulaient des îlots granitiques,
L’hiver les réjouit dans l’engourdissement.

Mais quand l’air tiédira leurs ténèbres profondes,
Ils ne sentiront pas leur être ranimé
Multiplier sa vie au doux soleil de mai,
En de divines fleurs d’elles-mêmes fécondes,
Portant chacune un fruit dans son sein parfumé.

Leurs flancs s’épuiseront à former pour les brises
Ces nuages perdus et de nouveaux encor,
En qui s’envoleront leurs esprits, blond trésor,
Afin qu’en la forêt quelques grappes éprises
Tressaillent sous un grain de la poussière d’or.

Ce fut jadis ainsi que la fleur maternelle
Les conçut au frisson d’un vent mystérieux ;
C’est ainsi qu’à leur tour, pères laborieux,
Ils livrent largement à la brise infidèle
La vie, immortel don des antiques aïeux.