Page:Anatole France - Sur la pierre blanche.djvu/53

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mieux senti la majesté bienfaisante de l’Empire. Je venais d’Hypathe, ville célèbre par ses fromages et ses magiciennes, et j’avais chevauché pendant quatre heures dans la montagne sans rencontrer un visage humain. Vaincu par la fatigue et la chaleur, j’attachai mon cheval à un arbre peu éloigné de la route et m’étendis sous un buisson d’arbouses. Je m’y reposais depuis quelques instants quand je vis passer un maigre vieillard chargé de ramée et fléchissant sous le faix. À bout de forces, il chancela et, près de tomber, s’écria : « César ! » En entendant cette invocation monter de la bouche d’un pauvre bûcheron dans un désert de rochers, mon cœur s’emplit de vénération pour la Ville tutélaire, qui inspire jusque dans les pays les plus écartés, aux âmes les plus agrestes, une telle idée de sa providence souveraine. Mais à mon admiration se mêlèrent, ô mon frère, la tristesse et l’inquiétude, quand je songeai à quels dommages, à quelles offen-,