Page:Anatole France - Thaïs.djvu/46

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elle fleurir par mes soins comme un rosier balsamique dans ta Jérusalem céleste !

Et chaque fois qu’il voyait un arbre fleuri ou un brillant oiseau, il songeait à Thaïs. C’est ainsi que, longeant le bras gauche du fleuve à travers des contrées fertiles et populeuses, il atteignit en peu de journées cette Alexandrie que les Grecs ont surnommée la belle et la dorée. Le jour était levé depuis une heure quand il découvrit du haut d’une colline la ville spacieuse dont les toits étincelaient dans la vapeur rose. Il s’arrêta et, croisant les bras sur sa poitrine :

— Voilà donc, se dit-il, le séjour délicieux où je suis né dans le péché, l’air brillant où j’ai respiré des parfums empoisonnés, la mer voluptueuse où j’écoutais chanter les Sirènes ! Voilà mon berceau selon la chair, voilà ma patrie selon le siècle ! Berceau fleuri, patrie illustre au jugement des hommes ! Il est naturel à tes enfants, Alexandrie, de te chérir comme une mère et je fus engendré dans ton sein magnifiquement paré. Mais l’ascète méprise la nature, le mystique dédaigne les apparences, le chrétien regarde sa patrie humaine comme