Page:Anatole France - Vie de Jeanne d’Arc, 1908, tome 1.djvu/11

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lettre. Jeanne, qui ne regarda jamais l’évêque ni le promoteur comme ses juges, n’était pas assez simple pour leur dire l’entière vérité. C’était déjà, de sa part, beaucoup de candeur que de les avertir qu’ils ne sauraient pas tout[1]. Il faut reconnaître aussi qu’elle manquait étrangement de mémoire. Je sais bien qu’un greffier admirait qu’elle se rappelât très exactement, au bout de quinze jours, ce qu’elle avait répondu à l’interrogateur[2]. C’est possible, bien qu’elle variât quelquefois dans ses dires. Il n’en est pas moins certain qu’il ne lui restait, après un an, qu’un souvenir confus de certains faits considérables de sa vie. Enfin, ses hallucinations perpétuelles la mettaient le plus souvent hors d’état de distinguer le vrai du faux.

L’instrument du procès est suivi d’une information sur plusieurs paroles dites par Jeanne in articulo mortis[3]. Cette information ne porte pas la signature des greffiers. De ce fait la pièce est irrégulière au point de vue de la procédure ; elle n’en constitue pas moins un document historique d’une authenticité certaine. Je crois que les choses se sont passées à peu près comme ce procès-verbal extra-judiciaire les rapporte. On y trouve exposée la seconde rétractation de Jeanne et

  1. Procès, t. I. p. 93 et passim.
  2. Ibid., t. III, pp. 89, 142, 161, 176, 178, 201.
  3. Ibid., t. I, pp. 478 et suiv.