Page:Anatole France - Vie de Jeanne d’Arc, 1908, tome 1.djvu/12

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cette rétractation ne fait point de doute, puisque Jeanne est morte administrée. Ceux mêmes qui ont, au procès de réhabilitation, signalé l’irrégularité de cette pièce, n’en ont nullement taxé le contenu de fausseté.

2o  Les chroniqueurs d’alors, tant français que bourguignons, étaient des chroniqueurs à gages. Tout grand seigneur avait le sien. Tringant dit que son maître « ne donnoit point d’argent pour soy faire mettre ès croniques »[1], et qu’il n’y fut pas mis à cause de cela. La plus vieille chronique où il soit parlé de la Pucelle est celle de Perceval de Cagny, serviteur de la maison d’Alençon, écuyer d’écurie du duc Jean[2]. Elle fut rédigée en l’an 1436, c’est-à-dire six ans seulement après la mort de Jeanne. Mais elle ne le fut pas par lui ; il n’avait, de son propre aveu, « le sens, mémoire, ne l’abillité de savoir faire metre par escript ce, ne autre chose mendre de plus de la moitié[3] ». C’est l’ouvrage d’un clerc qui rédige avec soin. On n’est pas surpris qu’un chroniqueur aux gages de la maison d’Alençon expose de la façon la moins favorable au roi et à son conseil les différends qui s’élevèrent entre le sire de la Trémouille et le duc d’Alençon au sujet de la Pucelle.

  1. Jean de Bueil, Le Jouvencel, éd. G. Fabre et L. Lecestre, Paris, 1887, in-8o, t. II, p. 283.
  2. Perceval de Cagny, Chroniques, publiées par H. Moranvillé, Paris, 1902, in-8o.
  3. Ibid., p. 31.