Page:Anatole France - Vie de Jeanne d’Arc, 1908, tome 1.djvu/47

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rétablir dans le malheureux royaume de France le pouvoir royal institué par Notre-Seigneur lui-même et de faire sacrer le nouveau Joas échappé à la mort pour le salut du peuple saint ?

  C’est ainsi que les Français pieux, en 1428, concevaient la mission de la Pucelle. Elle se donnait pour une dévote fille, inspirée de Dieu. Il n’y avait rien d’incroyable à cela. En annonçant qu’elle avait révélations de monseigneur saint Michel sur le fait de la guerre, elle inspirait aux gens d’armes armagnacs et aux bourgeois d’Orléans autant de confiance que pouvait en communiquer aux mobiles de la Loire, dans l’hiver de 1871, un ingénieur républicain, inventeur d’une poudre sans fumée ou d’un canon perfectionné. Ce qu’on attendait de la science en 1871 on l’attendait de la religion en 1428, de sorte que le Bâtard d’Orléans put songer à employer Jeanne aussi naturellement que Gambetta pensa à recourir aux connaissances techniques de M. de Freycinet.

  Ce qu’on ne remarque pas assez, c’est que le parti français la mit en œuvre très adroitement. Les clercs de Poitiers, tout en l’examinant avec lenteur sur ses mœurs et sa foi, la faisaient valoir. Ces clercs de Poitiers n’étaient pas des religieux étrangers au monde, c’était le Parlement du roi légitime, c’étaient les exilés de l’Université, des hommes très engagés dans les