Page:Anatole France - Vie de Jeanne d’Arc, 1908, tome 1.djvu/49

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

piller les villages. Dans le même temps, la ville était défendue par six mille gens d’armes et gens de trait et plus de trois mille hommes des milices bourgeoises. À Saint-Loup, il y eut quinze cents Français contre quatre cents Anglais ; aux Tourelles, cinq mille Français contre quatre ou cinq cents Anglais. En se retirant, les Godons abandonnaient à leur sort les petites garnisons de Jargeau, de Meung et de Beaugency. On peut juger de l’état de l’armée anglaise par la bataille de Patay, qui ne fut point une bataille, mais un massacre, et où Jeanne n’arriva que pour gémir sur la cruauté des vainqueurs. Néanmoins, les lettres du roi aux bonnes villes lui attribuèrent une part de la victoire. C’était donc que le Conseil royal faisait étendard de sa sainte Pucelle.

 Au fond, que pensaient d’elle ceux qui l’employaient, les Regnault de Chartres, les Robert Le Maçon, les Gérard Machet ? Sans doute, ils n’étaient pas en état de discerner l’origine des illusions dont elle était enveloppée. Et, bien qu’il se trouvât alors des athées parmi les gens d’Église, l’apparition de saint Michel archange n’était pas pour étonner la plupart d’entre eux. Rien alors ne paraissait plus naturel qu’un miracle. Mais de près les miracles ne se voient pas. Ils avaient cette jeune fille sous les yeux ; ils s’apercevaient que, pour sainte et bonne qu’elle fût, elle n’exerçait point un pouvoir surhumain.