Aller au contenu

Page:Anatole France - Vie de Jeanne d’Arc, 1908, tome 1.djvu/61

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ange de lumière et il est difficile de discerner les faux prophètes des vrais. La malheureuse Pucelle fut abandonnée par le clergé dont les croix naguère marchaient devant elle ; entre tous les maîtres de Poitiers il ne s’en trouva pas un seul pour s’offrir à témoigner dans le château de Rouen de cette innocence qu’ils avaient reconnue doctoralement dix-huit mois auparavant.

  Il y aurait grand intérêt à suivre la mémoire de la Pucelle à travers les âges. Mais ce serait tout un livre. J’indiquerai seulement les révolutions les plus étonnantes du sentiment public à son sujet. Les humanistes de la Renaissance ne s’intéressèrent pas beaucoup à elle : elle était trop gothique pour eux. Les réformés, qui trouvaient qu’elle sentait l’idolâtrie, ne pouvaient la voir en peinture[1]. Chose qui semble étrange aujourd’hui, mais qui n’en est pas moins certaine et conforme à tout ce que nous savons des sentiments des Français pour leurs rois, ce fut la mémoire de Charles VII qui, sous la monarchie, soutint et sauva la mémoire de Jeanne d’Arc[2]. Le respect dû au prince empêcha le plus

  1. Aug. Vallet, Observation sur l’ancien monument érigé à Orléans, Paris, 1858, in-8°.
  2. Voir un curieux projet de décoration du terre-plein du Pont-Neuf adressé à Louis XIV (B. N., V pzz 338, in-fol.). Un sieur Dupuis, aide des Cérémonies, y propose l’érection de statues « à ces grands et illustres capitaines qui de règne en règne ont vaillamment soutenu la dignité de la couronne… Artus de Bretagne, connestable, Jean, comte de Dunois, Jeanne Dark, pucelle d’Orléans, Roger de Gramont, comte de Guiche, Guillaume, comte de Chaumont, Amaury de Severac, Vignoles dit La Hire… ». (Communications de M. Paul Lacombe, Bulletin de la Société de l’Histoire de Paris, 1894, p. 115 ; 11 juin 1907, IbiâT).