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Page:Anatole France - Vie de Jeanne d’Arc, 1908, tome 1.djvu/73

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coutumes y était infinie et les querelles entre seigneurs s’élevaient à tout moment. Les hommes se sentaient pourtant au cœur l’amour du pays natal et la haine de l’étranger. Si la guerre de Cent Ans ne créa pas en France le sentiment national, elle le nourrit. Dans son Quadrilogue invectif, Alain Chartier montre la France qui, reconnaissable à sa robe somptueusement ornée des emblèmes de la noblesse, du clergé et du tiers-état, mais lamentablement souillée et déchirée, adjure les trois ordres de ne pas la laisser périr : « Après le lien de foi catholique, leur dit-elle, Nature vous a devant toute autre chose obligez au commun salut du pays de votre nativité et à la défense de cette seigneurie sous laquelle Dieu vous a fait naître et avoir vie[1]. » Et ce ne sont pas là seulement les maximes d’un humaniste instruit dans les vertus antiques. D’humbles Français avaient cher de servir le pays de leur naissance. « Faut-il que le roi soit chassé de son royaume et que nous soyons Anglais ! » s’écriait en 1428 cet homme d’armes de Lorraine[2]. Les sujets des Fleurs de Lis comme ceux du Léopard s’estimaient tenus à la loyauté envers leur légitime seigneur. Mais si quelque changement advenait pour son dommage à la seigneurie dont

  1. Les œuvres de Maistre Alain Chartier, publ. par André Duchesne, Paris, 1G42, in-4o, p. 410.
  2. Procès, t. II, p. 436.