Page:Anatole France - Vie de Jeanne d’Arc, 1908, tome 1.djvu/74

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ils faisaient partie, ils s’en accommodaient en somme aisément, parce qu’une seigneurie s’accroît ou se rétrécit selon la puissance ou la fortune, selon le bon droit ou le bon plaisir du possesseur et qu’elle peut être démembrée par mariages, dons ou héritages, aliénée par divers contrats. En signe de réjouissance, les habitants de Paris jonchèrent d’herbes et de fleurs les rues de la ville, à l’occasion du traité de Brétigny, qui diminuait beaucoup la seigneurie du roi Jean[1]. En fait, les seigneurs changeaient d’obéissance tant qu’il était nécessaire. Juvénal des Ursins rapporte dans son journal[2] que, lors de la conquête de la Normandie par les Anglais, on vit une jeune veuve quitter sa terre avec ses trois enfants pour ne pas rendre hommage au roi d’outre-mer. Mais combien de seigneurs normands refusèrent comme elle de se mettre aux mains des anciens ennemis du royaume ? L’exemple de la fidélité au roi ne venait pas toujours de sa famille. Le duc de Bourbon, au nom de tous les princes du sang royal avec lui prisonniers des Anglais, offrit à Henri V d’aller traiter en France la cession de Harfleur, s’engageant, si le Conseil royal lui opposait un refus à reconnaître Henri V pour roi de France[3].

  1. Froissart, Chroniques, livre I, chap. 128.
  2. Jean Juvénal des Ursins dans Buchon, Choix de chroniques, IV.
  3. Hymer, Fœdem, t. IX, p. 427.