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Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 2, Hachette, 1893.djvu/105

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rieuses prérogatives, semblait devoir restreindre le pouvoir des gouverneurs ; mais, si l’autorité de ces derniers a été diminuée, leurs attributions sont restées aussi vastes que mal délimitées. La réforme de l’administration proprement dite, qui depuis longtemps est en projet, reste encore à l’étude. En attendant, la loi maintient au gouverneur ses anciennes fonctions et ses anciens pouvoirs, bien que ses attributions ne concordent plus avec les droits concédés aux nouvelles assemblées électives[1]. Il y a là, entre la législation de l’empire et les récentes institutions, un manque d’harmonie qui se retrouve malheureusement dans d’autres sphères. Les grandes réformes d’Alexandre II, si dignes d’admiration à tant d’égards, ont, nous devons le répéter[2], ce défaut d’avoir été conçues isolément, sans plan d’ensemble, sans idée mère, d’une manière empirique et fragmentaire, en sorte qu’au lieu de former un système coordonné, les institutions de la Russie actuelle présentent partout des contradictions, des anomalies. Les nouvelles lois ne cadrent pas avec les anciennes, qui subsistent à côté d’elles. De là un manque de détermination, un principe de confusion qui n’est pas étranger au peu de succès des meilleures réformes. La Russie, léguée à Alexandre III, ressemble à ces châteaux construits à diverses époques, où l’on voit côte à côte les styles les plus différents, ou encore à ces vieilles maisons, refaites peu à peu et par morceaux, qui n’ont jamais l’unité ni la commodité des demeures élevées sur un même plan et d’un seul jet.

Ce qui a manqué à Pierre le Grand et à ses successeurs, c’est, nous l’avons dit, l’instrument même de la centralisation moderne, c’est une bureaucratie instruite et honnête. La Moscovie possédait bien depuis longtemps une classe de serviteurs de l’État ; mais ces serviteurs, constitués en no-

  1. Voyez, par exemple, M. Notovitch : Osnovy reform mésinago i tecnir.
  2. Voyez plus haut p. 76, 77.