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Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 2, Hachette, 1893.djvu/125

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mencé silcncieusement autour et à l’insu de l’honnête Alexandre III.

En prenant possession du ministère de l’intérieur, le général Ignatief avait fait, au nom de l’administration impériale, une sorte de confession offlcielle[1]. Le ministre rejetait solennellement une bonne part de la responsabilité des attentats qui ont troublé la Russie, sur la négligence de la plupart des fonctionnaires, sur leur indifférence au bien de l’État, sur leur improbité. Rappelant à leur devoir tous les serviteurs du tsar, le comte Ignatief promettait, au nom d’Alexandre III, de poursuivre toutes les malversations, d’extirper partout la corruption et de châtier d’une manière exemplaire les coupables. Depuis, sous le ministère du comte Tolstoï, on a, en 1884, rendu plus rigoureuses les peines pour la dilapidation des deniers publics. Malgré quelques procès retentissants et quelques actes de louable sévérité, on ne saurait dire que les intentions d’Alexandre III aient encore été remplies ; on ne voit même guère comment elles pourraient l’être, tant que durera le régime en vigueur. Le gouvernement, en effet, n’a d’autre instrument que son administration, et, ainsi que nous le disions plus haut, toutes les mesures de défense et de protection prises en faveur de l’autorité et de ses agents tournent d’une manière inévitable en faveur des abus administratifs, ainsi protégés indirectement contre toutes les attaques et les poursuites du public.

En Russie comme ailleurs, une des causes de la corruption administrative et des abus de pouvoir, c’est le défaut de responsabilité légale des agents de l’État. La loi édicte des peines rigoureuses contre les exactions, contre le péculat et les concussions, contre les abus d’autorité et toutes les transgressions des fonctionnaires dans l’exercice de leurs fonctions ; mais toute cette pénalité est lettre morte. Les statistiques judiciaires en font foi. Le petit nombre de

  1. Circulaire aux gouverneurs de province du 6 mai 1881, (ancien style).