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Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 2, Hachette, 1893.djvu/133

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CHAPITRE IV


La police. — Son importance dans an État absolu. — Police ordinaire. — Ses défauts, sa tyrannie. — Raisons de sa fréquente impuissance. — Police des villes et dvorniks — Police rurale et ouriadniks. — Servitude des passeports. Ses inconvénients, son inefficacité.


Tous les moyens de contrôle inventés par la prudence des souverains et combinés par le génie bureaucratique n’ont pu mettre un terme aux abus administratifs. Parmi les freins imposés au tchinovnisme, il en est un dont nous n’avons encore rien dit et qui mérite une attention particulière : je veux parler de la police. Dans un État absolu, la police a naturellement une importance capitale, elle devient d’ordinaire la pièce essentielle du mécanisme gouvernemental. C’est à elle de suppléer aux libertés politiques, de suppléer à la presse et aux assemblées élues, là où ni la parole ni la plume n’ont le droit de dénoncer les abus. Sa tâche est naturellement d’autant plus grande que celle du pays est plus restreinte : l’œuvre de contrôle, de vérification, de critique, qui ne se peut accomplir au grand jour par l’opinion ou par les représentants de la nation, doit se faire en secret par les agents de l’autorité. En dehors de cette alternative, libertés publiques ou police occulte, il n’y a que désordre et anarchie.

En Russie, comme en tout État absolu, la police a dû jouer un double rôle, elle a dû surveiller à la fois le peuple et les fonctionnaires, les administrés et l’administration : aussi nulle part n’a-t-elle été plus puissante. Sous l’empereur Nicolas, on peut dire que la police était vraiment le principal rouage de l’État ; sous l’empereur