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Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 2, Hachette, 1893.djvu/134

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Alexandre II, après vingt ans de réformes libérales, elle avait conservé ou repris une grande partie de son ancienne autorité. Un des principaux soucis des gouvernants, depuis près de deux siècles, a été le perfectionnement de cet engin de gouvernement ; afin d’en accroître la force ou l’activité, on l’avait dédoublé. Pour la Russie de Nicolas et d’Alexandre II, ce n’était pas assez d’une police, elle en avait deux, indépendantes l’une de l’autre. La première, la police ordinaire, régulière, dépendait du ministère de l’intérieur ; la seconde, la police politique, la police d’État, placée en dehors de tout ressort ministériel, ne relevait que de l’empereur.

La police ordinaire a une organisation plus ou moins analogue à celle que lui ont donnée les États de l’Occident. Ce qui la distinguait naguère encore, c’était sa prédominance sur les services dont elle n’eût dû être que l’accessoire. Au lieu de rester l’humble auxiliaire et comme la servante de l’administration et de la justice, la police en était la maîtresse et la suzeraine. Là où nous mettons un fonctionnaire de l’ordre judiciaire ou administratif, les Russes ne mettent parfois qu’un officier de police. Ainsi, dans les districts qui répondent à nos arrondissements, au lieu d’un sous-gouverneur correspondant à notre sous-préfet, le gouvernement est représenté par un maître de police, appelé ispravnik, quî, dans les principales localités, a sous ses ordres des commissaires, désignés sous le nom de stanovoï pristaf.

L’ispravnik, encore aujourd’hui le premier fonctionnaire du district, était, depuis Catherine II, nommé par la noblesse. Ces commissaires élus n’en avaient point meilleure réputation ; ils passaient rarement pour incorruptibles et étaient suspects de partialité ou de faiblesse vis-à-vis des plus influents de leurs électeurs. Après l’émancipation des serfs, on ne pouvait laisser à une seule classe de la nation le choix de fonctionnaires en contact incessant avec toutes les classes. La nomination de l’ispravnik a été remise au