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Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 2, Hachette, 1893.djvu/136

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un personnel ainsi composé, habitué par son indigence à des gains illicites, il n’était pas malaisé aux révolutionnaires d’acheter des complaisances, sinon des complicités. Aussi l’un des premiers soins du général Baranof, chargé par Alexandre III de réorganiser la police, a-t-il été d’augmenter la paye de ses agents en même temps que leur nombre[1].

Non content d’accroître ainsi le nombre et la valeur de ses agents de surveillance, le gouvernement a imaginé, depuis sa lutte avec le nihilisme, de leur donner, aux frais des particuliers, des auxiliaires gratuits. C’est ce qu’il a fait dans les grandes villes, dans la capitale notamment, à l’aide des propriétaires, qu’il a, sous peine de séquestre, rendus responsables de leurs locataires et de tous les actes illicites accomplis dans leurs maisons : réunions secrètes, conférences clandestines, dépôts de livres prohibés, d’armes ou de matières explosibles, etc. Et comme le propriétaire a été rendu garant de ce qui se passait à l’intérieur de son immeuble, le portier, le dvornik, transformé en factionnaire, doit répondre de tout ce qui se passe au dehors, veiller à ce qu’on ne colle sur les murs aucune proclamation révolutionnaire, et à ce qu’on ne lance des fenêtres aucun objet dangereux, surveiller les personnes qui entrent et sortent, prêter main-forte à la police dans l’arrestation des individus qui cherchent à s’enfuir ou tentent de résister[2]. Les précautions inventées à cet égard par le général Gourko, à la fin du règne d’Alexandre II,

  1. On a également, en 1881, formé une commission pour recevoir les plaintes du public contre les agents de police, et, chose plus singulière, on a fait élire, par les habitants de Saint-Pétersbourg, un conseil destiné à veiller à la sécurité du souverain, d’accord avec la police.
  2. Notification du maître de police, touchant les mesures complémentaires de « l’état de protection », sept. 1881. D’après l’annexe II de cette notification, le dvornik doit non seulement surveiller les entrées et les sorties, mais, « dans le cas où se présentent des inconnus, il est tenu de se rendre compte de l’endroit où ils vont et du motif qui les conduit, ainsi que d’en informer la police dès que quelqu’un lui paraît suspect ».