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Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 2, Hachette, 1893.djvu/137

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ont, sous Alexandre III, été reprises par le général Kozlof, alors grand maître de police. Le dvornik, arraché au service du propriétaire ou des locataires, doit monter la garde devant sa maison ; et à ces sentinelles, qui ne coûtent rien au Trésor, les règlements imposent un service qu’on oserait à peine réclamer d’un soldat ou d’un gendarme. Le dvornik en faction ne doit quitter son poste sous aucun prétexte ; il lui est expressément interdit de dormir, interdit même de s’abriter contre la pluie ou la neige sous la porte cochère[1], et le service de ces malheureux dvorniks est officiellement fixé, pour les six mois d’hiver, à seize heures consécutives, de quatre heures du soir à huit heures du matin. Avec les hivers de Saint-Pétersbourg, on devine ce que peut être une pareille faction ; quelle que soit l’endurance russe, un seul homme n’y saurait suffire. Grâce à cette garde imposée aux portiers, le gouvernement a donné à chaque maison de la ville un ou deux veilleurs de nuit, qui sont, pour les propriétaires, une charge d’autant plus lourde qu’à l’intérieur il a fallu les remplacer par des suisses[2]. Comme si elle se sentait incapable d’assurer l’ordre dans les rues de la capitale, la police a eu l’idée, assurément bien russe, d’en charger une classe d’habitants, ainsi soumise à une corvée d’un nouveau genre. Si ingénieuses qu’elles semblent, toutes ces précautions n’ont, du reste, eu jusqu’ici qu’un médiocre succès.

Un des motifs de la négligence et de l’insuffisance de la police russe, c’est la multiplicité des fonctions qui lui sont confiées. Quoique déjà noiablement restreintes sous Alexandre III, ses attributions restent encore démesurément étendues. Après avoir été si longtemps l’instrument favori du pouvoir, la police continue, aux dépens de ses

  1. Annexe II à la notification de septembre 1881.
  2. Il importe de dire que les maisons de Saint-Pétersbourg sont d’ordinaire fort grandes, et comprennent parfois des centaines de logements. Les portiers sont devenus des auxiliaires de la police qu’ils renseignent sur les habitants.