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Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 2, Hachette, 1893.djvu/23

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c’est que, sous ce rapport, le mir ne fait pas exception en Russie. Dans toutes les institutions provinciales ou municipales, du haut en bas de l’échelle sociale, les fonctions électives sont d’ordinaire salariées.

Les fonctionnaires communaux ont des avantages de deux sortes : ils sont d’abord exemptés par la loi de tous les impôts en nature à la charge de la commune, exemptés de tout châtiment corporel, car, chez ces petites républiques rustiques, moins soucieuses de la dignité humaine qu’économes du temps ou de l’argent, l’usage des verges, aboli dans la juridiction criminelle ordinaire, est maintenu ou plutôt toléré par la loi[1]. D’habitude les fonctionnaires de la commune reçoivent en outre une gratification en argent ou en nature dont le chiffre est laissé à la décision des assemblées communales. Les fonctions, comme celles d’ancien de village, qui à l’origine étaient gratuites, sont presque partout rétribuées aujourd’hui. Malgré cette indemnité et ces privilèges les charges communales ne sont pas d’ordinaire fort enviées ; les paysans les plus capables de les remplir s’en montrent souvent peu jaloux, souvent les candidats manquent, et les administrateurs en place cherchent des prétextes pour en déposer le fardeau. Il faut parfois l’autorité et la violence du mir, auquel personne n’ose désobéir, pour trouver des maires de village. Parfois, dans ces petites démocraties illettrées, se montre un dégoût des fonctions publiques qui rappelle les répugnances des sujets de Rome pour les charges municipales, à la fin de l’empire Romain[2]. Le mal est déjà profond et presque général ; on aurait tort cependant d’y voir, pour les institutions rurales, un germe d’irrémé-

  1. Voyez plus loin liv. IV, chap. ii.
  2. On peut voir à ce sujet quelques exemples cités par M. Mackenzie Wallace, Russia, t. Ier, p. 200, 202. Les fonctions pour lesquelles le paysan a le plus de répugnance sont celles de collecteur d’impôts. Le poids et la solidarité des taxes, la difficulté de les recouvrer, n’expliquent que trop une pareille aversion ; elle est si naturelle que la charge de collecteur des taxes n’est imposée que pour un an, tandis que tous les autres fonctionnaires sont