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Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 2, Hachette, 1893.djvu/24

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diable décadence. Il est des magistrats communaux qui s’attachent à leurs fonctions ; si beaucoup en abusent, quelques-uns les remplissent avec un dévouement qui, sur une scène plus vaste, leur vaudrait les applaudissements des hommes[1]. L’attachement au mir et le respect pour ses décisions sont encore, chez d’ignorants paysans, le principe de naïves et simples vertus, sans lesquelles le mir, comme la république de Montesquieu, aurait peine à vivre.

Les fonctionnaires de la commune sont nombreux, et, par suite, l’administration rurale est relativement compliquée et dispendieuse ; c’est là un des reproches que lui font ses adversaires. À la tête de chaque communauté de village est une sorte de maire ou de bailli, portant le titre d’ancien ou de vieux (starosta). À la tête du bailliage ou volost est un fonctionnaire analogue dont le rang supérieur dans la hiérarchie villageoise est indiqué par une sorte de superlatif ou d’augmentatif de ce titre patriarcal : on l’appelle starchina. À l’origine, quand la communauté n’était encore qu’une famille agrandie, le chef était le plus âgé ; alors même que ce ne fût pas toujours le plus vieux, il en garda le nom. Comme marque de leur autorité, ces anciens portent à leur cou une chaîne et une médaille de bronze. Starost et starchine sont, le premier sous le contrôle du second, chargés de la police et du maintien de l’ordre ; ils ont en certaines circonstances le droit d’imposer aux perturbateurs du repos public soit une légère amende, soit

    élus pour trois ans. On a peu de goût aussi pour l’emploi d’agent de police. Les centeniers (sotskié), chargés de ce service, sont généralement pris parmi les paysans indigents et impropres au travail. Parfois on a recours à d’anciens soldats rétribués à cet effet. Dans quelques localités du gouvernement de Toula, la règle est que tous les paysans doivent être centeniers à tour de rôle ; mais, dans la pratique, les gens aisés se font remplacer à prix d’argent. Les colonies allemandes sont presque les seules communes vraiment pourvues d’une police régulière. (Materialy dlia izoutch, sovrem, polog. zem levi, etc, l, 1880.)

  1. Un récit de M. Alex. Potiékhine, publié dans le Vestnik Evropy (avril et mai 1877) sous le titre de Po Mirou, représente en traits vivants, bien qu’un peu idéalisés, un de ces héros rustiques, un de ces Washington de village.