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Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 2, Hachette, 1893.djvu/243

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venu prépondérant. C’est Moscou qui, sous Alexandre II, a remué le peuple russe en faveur de ses frères du Balkan, alors que, dans la ville de Pierre le Grand, presque personne ne songeait encore aux Bulgares ou aux Serbes. C’est Moscou qui, de tout temps, a été le foyer des slavophiles et des panslavistes, s’il est des panslavistes en Russie ; c’est elle qui, à chaque occasion, se plaît à ramener les sympathies, si ce n’est les ambitions des Russes, vers le sud-est de l’Europe, vers ce monde slave qu’elle regarde comme son monde à elle, et dont elle se considère volontiers comme le centre ou l’ombilic. En 1867 Moscou réunissait dans son sein un congrès des Slaves de tous pays, et elle en gardait comme souvenir un musée ethnographique où sont représentés, dans leur costume national, tous les membres dispersés de la grande famille slavonne. Un jour le conseil municipal de Moscou a voté l’envoi d’une cloche à Prague, la Moscou tchèque, et plus tard la vieille capitale était à la tête des souscriptions pour les volontaires de Tcherniaief. Aussi est-ce au Kremlin que, aux applaudissements de tout un peuple, l’empereur Alexandre II fit aux Slaves du Balkan les solennelles promesses de la Russie. Moscou se peut vanter d’avoir été pour beaucoup dans la dernière guerre d’Orient et dans les inquiétudes de l’Europe. Chaque fois que la Russie cède à un mouvement national, on peut être sûr que l’impulsion part de Moscou, et l’influence de la vieille métropole ne fera sans doute que croître avec le développement politique de la nation.

Les bombes qui ont renversé dans les rues de Saint-Pétersbourg l’émancipateur des serfs, ont rendu l’ascendant de Moscou plus puissant que jamais. L’empereur Alexandre III a toujours volontiers tendu l’oreille aux voix qui venaient de l’ancienne capitale ; et, pour punir la résidence de la Neva d’avoir été arrosée par le sang du « tsar martyr », plus d’un conservateur a parlé de lui enlever le siège du gouvernement, de ramener l’empereur dans la