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Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 2, Hachette, 1893.djvu/358

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besoin d’être relevée par un cérémonial religieux qui en fasse une sorte de sacrement, et du parjure un sacrilège[1].

On discute, on plaide même dans le prétoire du juge de paix. Les parties s’y peuvent faire représenter et défendre par des fondés de pouvoir. Parfois elles font venir de la ville des avocats de profession ; mais le plus souvent les hommes qui se chargent de suivre les affaires du ressort de la justice de paix en font leur spécialité. Ce sont d’ordinaire des gens de peu d’instruction et parfois de peu de moralité, employés en retraite ou en disgrâce, anciens greffiers ou secrétaires sans place, quelquefois même vieux soldats ou sous-officiers libérés du service, en un mot tout individu ayant de la faconde avec quelque teinture de la procédure et de la chicane. Pour accroître leurs honoraires, ces avocats sans diplôme engagent souvent les crédules paysans à pousser l’affaire jusqu’en appel, si ce n’est en cassation.

Il n’en est pas des juges de paix comme des tribunaux de volost, dont la sentence était sans appel. Les décisions de la magistrature élue ne sont définitives que pour les affaires civiles dans lesquelles le demandeur réclame une somme inférieure à 30 roubles, ou pour les condamnations qui n’excèdent pas trois jours d’arrêt et 15 roubles d’amende[2]. Dans tous les autres cas, il peut y avoir appel, non comme en d’autres pays auprès des tribunaux ordinaires, mais près de l’assemblée des juges de paix du district. Jusqu’ici nous pouvions nous demander ce que la Russie avait emprunté à la justice de paix anglaise, tant elle en avait altéré le caractère ; ici nous retrouvons un des traits

  1. Il va sans dire que les hétérodoxes, chrétiens ou non chrétiens, se passent de l’intervention du prêtre orthodoxe. Chacun prête serment conformément aux rites et formules de sa religion. C’est ainsi que, pour faire jurer les témoins israélites, on appelle un rabbin ; pour les catholiques et les protestants, un prêtre ou un pasteur de leur confession ; pour les musulmans enfin, un mollah.
  2. Il a déjà été question d’élever cette limite en matière civile jusqu’à 100 roubles, afin de diminuer le nombre des affaires qui viennent en appel