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Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 2, Hachette, 1893.djvu/359

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essentiels du modèle britannique. Comme les justices of the peace du comté anglais ont leurs réunions trimestrielles, leurs quarter-sessions, les juges élus du district russe ont leurs sessions mensuelles, leurs assises de paix (mirovye siezdy). On en appelle du juge de paix isolé aux juges de paix rassemblés, lesquels jugent en corps d’une manière définitive ce qu’ils avaient individuellement jugé en première instance. Ce système fort simple a permis de donner à cette modeste magistrature une pleine autonomie. Avec de pareilles assises de paix, la justice issue de l’élection, se contrôlant elle-même, reste entièrement indépendante des tribunaux nommés par l’État[1].

Les assemblées de paix se tiennent chaque mois au chef-lieu de district ; elles durent d’ordinaire deux ou trois jours. La loi n’exige pas la présence de tous les juges à chaque session, mais seulement de trois d’entre eux, dont l’un est élu président. Le magistrat dont les décisions sont attaquées ne peut prendre part au règlement des affaires qui le concernent. Les assises de paix sont publiques, et devant elles peuvent recommencer les plaidoiries. Près de chacune de ces assemblées est placé un procureur, nommé par le gouvernement, lequel présente ses conclusions sur les affaires criminelles et sur certaines affaires civiles. Les assises de paix servent de cour de cassation aussi bien que de cour d’appel ; elles peuvent casser les sentences des juges pour incompétence, aussi bien que pour violation des formes prescrites. Dans ce dernier cas, elles renvoient l’affaire devant un autre juge. Quant aux décisions rendues en appel par les assises de paix, on ne peut les attaquer qu’en cassation devant le sénat, et, si la cour suprême casse la décision d’une assemblée de paix, l’affaire retourne devant l’assemblée d’un district voisin

  1. On a quelquefois conseillé d’appliquer un système analogue aux tribunaux des paysans, naguère dépourvus de seconde instance, mais, outre leur ignorance et leur inaptitude à rien décider d’après des pièces écrites, les rustiques magistrats de village ont d’ordinaire trop peu de temps à consacrer à leurs fonctions pour siéger aisément dans une pareille cour d’appel.