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Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 2, Hachette, 1893.djvu/360

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On ne pouvait inventer une cour d’appel plus à la portée des particuliers et moins dispendieuse pour l’État. Si ingénieux qu’il fût, ce système n’était pas à l’abri de toute critique. Qu’était-ce, pouvait-on dire, que ce contrôle mutuel qui à chaque juge donnait pour juges ses collègues du voisinage ? Comment compter sur l’impartialité d’un tribunal dont les membres se trouvaient tour à tour mis en cause, passant alternativement du siège du magistrat sur le banc du prévenu ou du plaideur ? Une cour d’appel composée des juges de première instance aura toujours quelque faiblesse pour les décisions du premier juge. Ce mode d’appel semblait une des parties les plus contestables de la justice de paix ; il n’en a pas moins été presque entièrement conservé par la loi du 12 juillet 1889, qui aux juges de paix doit, dans les districts ruraux, substituer les chefs de canton.

L’institution de ces chefs de canton, zemskiié outchastkoviie natchalniki, a été, nous l’avons dit, la création la plus importante du règne d’Alexandre III[1]. On se rappelle quel en est le trait distinctif. Les chefs de canton sont des fonctionnaires investis à la fois d’attributions administratives et judiciaires. Par là, faut-il le répéter ? la réforme ou mieux la contre-réforme d’Alexandre III, s’inspire d’un tout autre esprit que les grandes réformes d’Alexandre II. Le principe de la séparation des pouvoirs administratifs et judiciaires qui domine toutes les lois d’Alexandre Il a été abandonné, au moins quant aux campagnes. Il n’est plus respecté que dans les villes.

D’après la loi de 1889, déjà appliquée dans une vingtaine de provinces, la justice de paix élective ne doit plus être conservée que dans les trois grandes villes de l’empire, Pélersbourg, Moscou, Odessa, avec leur banlieue. Cest dans ces grandes villes que la magistrature élue avait le mieux réussi, et elles doivent savoir gré au gouvernement

  1. Voyez plus haut livre I, chap. iv, p. 50-52.