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Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 2, Hachette, 1893.djvu/36

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tresse de les en rejeter, afin de n’être pas surchargée par la désertion des uns, ou appauvrie par les vices des autres. En dépit de quelques abus, le gouvernement impérial n’a pas encore osé dépouiller les communes de cette double prérogative ; il a seulement cherché à en contrôler et borner l’exercice. C’est ainsi qu’un règlement d’avril 1877 a soumis les arrêts de bannissement prononcés par les communes contre leurs membres vicieux à la confirmation d’une autorité spéciale. Une circonstance particulière avait vers cette époque accru l’utilité d’un contrôle. D’après la loi, les frais du transport en Sibérie des paysans exclus de leur commune restent à la charge de cette dernière. Cette considération restreignait beaucoup le nombre des expulsions, avant qu’un certain nombre d’assemblées provinciales (zemstvos) eussent imaginé de prendre cette dépense à leur charge, pour permettre aux communes pauvres de se débarrasser des mauvais sujets et en particulier des voleurs de chevaux, qui sont un des fléaux des campagnes. L’intention était louable, mais, en devenant gratuit, le bannissement était devenu plus fréquent, et l’on avait vu se multiplier les sentences arbitraires ou iniques. D’un autre côté, l’abolition complète du droit d’expulsion, telle qu’elle a parfois été agitée au Conseil de

    ou de livrer au gouvernement leurs membres vicieux ; mais, en fait et pour cause, les paysans sont à peu près seuls à se servir de cette prérogative. Ils en usent si largement que les expulsés de ce genre peuplent les gouvernements éloignés. D’après un compte rendu publié par l’administration des prisons en 1884, le nombre des paysans exilés par leur commune qui passent annuellement l’Oural s’élèverait à 5000.
      Avant l’introduction du service obligatoire, le recrutement était, pour la commune et les assemblées de village, qui désignaient elles-mêmes les conscrits, un moyen de châtiment et d’exil. La nouvelle loi militaire, en enlevant au mir le choix des recrues, l’a dépouillé d’une de ses principales et plus excessives prérogatives. Il est vrai que l’on n’a pu mettre, par là, fin à tous les abus de ce genre. On signale toujours de nombreuses irrégularités dans le recrutement. Les autorités communales, qui sont loin d’être inaccessibles à la corruption, trouvent encore parfois moyen de tourner la loi, de libérer le fils d’un riche paysan en faisant enrôler à sa place un fils unique ou un fils de veuve.