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Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 2, Hachette, 1893.djvu/405

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CHAPITRE VI


Des restrictions apportées aux nouvelles institutions judiciaires. — Infractions aux principes de la réforme. — L’indépendance de la justice et la police d’État. — Raisons et effets de cette anomalie. — Restrictions à la publicité des débats. — Causes enlevées au jury. — Cours spéciales pour les crimes politiques. — Les oukazes d’Alexandre II et les conseils de guerre. — L’état de protection d’Alexandre III et les pouvoirs de l’administration. — Ce qui reste de la réforme judiciaire.


Les tribunaux créés par Alexandre II au lendemain de l’émancipation étaient si nouveaux pour l’empire autocratique, si réellement indépendants, si sincèrement conçus dans un esprit libéral, qu’ils n’ont pu longtemps subsister dans l’intégrité de leurs droits.

C’est beaucoup pour la réforme judiciaire que d’avoir traversé sans y succomber une période aussi troublée, aussi inquiète, aussi pleine de contradictions que les dernières années du règne d’Alexandre II. Pour vivre, les règlements de 1864 ont dû se plier aux défiances et aux incertitudes du pouvoir. Devant les mécomptes de la société, et devant l’agitation révolutionnaire, le gouvernement impérial s’est pris à douter de son œuvre, il s’est presque repenti de la généreuse témérité avec laquelle il avait cru dans la sagesse de la nation. S’il n’a pas osé abroger ses lois, il s’est efforcé d’en restreindre pratiquement la portée.

Des grands principes proclamés par la réforme, — la séparation du pouvoir administratif et du pouvoir judiciaire, l’égalité devant la loi, la publicité de la justice, l’indépendance des tribunaux et du jury, — presque aucun