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Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 2, Hachette, 1893.djvu/457

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pliquée la peine du bannissement, malgré l’emploi plus fréquent de la prison, le gouvernement a expédié chaque été, de Moscou à Nijni Novgorod, environ douze mille condamnés des deux sexes. À Nijni ou à Kazan, ces douze mille convicts sont rejoints par les recrues du bas Volga, et, entre Kazan et Perm, les provinces de la Kama leur apportent un nouveau renfort. En outre, aux exilés de la Sibérie il faut ajouter les hommes relégués en résidence forcée dans les provinces frontières de l’Asie. De huit ou neuf mille, vers le milieu du règne de Nicolas, le nombre annuel des déportés s’est élevé peu à peu, sous Alexandre II, à dix-huit mille, et, en y comprenant les pays autres que la Sibérie, à près de vingt mille. Depuis le commencement du siècle, la levée annuelle de la déportation avait septuplé[1].

Sur ces milliers de déportés, quelle est la part de l’arbitraire administratif ? Elle varie singulièrement selon les années. De 1861 à 1866, à l’époque des premières agitations révolutionnaires et de l’insurrection polonaise, le chiffre des déportations politiques avait été fort élevé, pour tomber très bas vers le milieu du règne d’Alexandre II. D’après les documents publiés par les organes officiels ou officieux, la proportion, de 1869 à 1879, atteignait à peine un sur cent, ou même un sur cinq cents. En sept années, de 1871 à 1878 exclusivement, le total des personnes transportées par mesure administrative n’aurait pas monté à seize cents (1599). Encore le plus grand nombre, soit 1328, étaient-ils des montagnards du Caucase, arrachés à leur pays en vertu de lois ou de raisons spéciales ; en sorte que, dans toute la Russie d’Europe, il n’y aurait eu, en sept ans, que 271 individus. Russes ou Polonais, déportés par la

  1. Le maximum de la déportation sibérienne a été atteint dans les années 1875-1878 ; le total des exilés a monté une année jusqu’à 19 000. Depuis, le chiffre aurait baissé. En 1882 il est passé par la prison d’étape de Tiumen 16 400 condamnés ; en 1883 il est arrivé en Sibérie 13 000 déportés, et 14 300 condamnés à la déportation étaient détenus dans les prisons. (Comptes rendus de l’administration des prisons, 1883.)