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Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 2, Hachette, 1893.djvu/479

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Les articles y ont souvent un caractère plus spéculatif et doctrinal que chez nous, parce qu’il est plus périlleux de toucher aux faits qu’aux idées, aux actes du gouvernement qu’aux maximes de gouvernement. Des événements assez minces, des réformes peu importantes, de maigres mesures administratives deviennent aisément le thème de longues et érudites dissertations, car l’on aime en toute chose à remonter aux principes et aux théories scientifiques. À lire ces feuilles, il semblerait souvent qu’on est dans un État où tout se règle d’après les enseignements souverains de la raison et de la science. Les questions sociales et économiques, les questions surtout qui touchent au bien-être ou à l’instruction du peuple, ont d’ordinaire le pas sur les questions proprement politiques. La critique et la littérature, la belletristique, comme disent les Russes, qui ont emprunté ce barbarisme français aux Allemands, tient encore un rang honorable dans les colonnes ou les feuilletons des grands journaux. Souvent ces feuilletons sont consacrés à une sorte de revue des Revues, spécialement à l’appréciation des romans nouveaux, qui sont analysés presque chapitre par chapitre, au fur et à mesure de leur apparition dans les recueils mensuels de Pétersbourg ou de Moscou. Les affaires judiciaires, les procès civils et criminels défrayent aussi largement les journaux ; ils aiment à en donner le compte rendu sténographique, avec interrogatoire des témoins et plaidoiries des avocats. La part de la politique se trouve ainsi proportionnellement réduite et, dans la politique, les questions secondaires, les moins dangereuses à traiter, prennent aisément le pas sur les questions capitales. Les affaires extérieures envahissent fréquemment les colonnes aux dépens des affaires nationales, dont à certaines époques on parle d’autant moins qu’elles sont plus graves et plus actuelles.

Le besoin d’écrire et de se passionner pour quelque chose, de faire du tapage pour raviver l’attention du public, est une des choses qui, dans l’impossibilité de traiter libre-