Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 2, Hachette, 1893.djvu/491

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autorisées ont-elles été successivement obligées de suspendre leur publication[1].

L’histoire même du Golos, une feuille qu’en tout autre pays on eût été tenté de prendre pour officieuse, n’a été qu’une longue série d’avertissements et de suspensions. Plusieurs fois condamné au silence, durant les dernières années d’Alexandre II, l’organe de M. Kraïevsky était de nouveau suspendu, pour six mois, par Alexandre III, en juillet 1881. Lorsqu’il revenait à la lumière, en 1882, il se voyait, dès son second numéro, frappé d’un avertissement et privé de la vente sur la voie publique. En 1883 il était l’objet d’une nouvelle suspension et, cette fois, on ne lui permettait plus de revivre. D’après les règlements, un journal qui suspend sa publication durant toute une année perd à jamais le droit de reparaître. Pour n’être pas victime d’une pareille disposition, M. Kraïevsky avait fait tirer, spécialement pour la censure, un numéro du Golos, composé uniquement de réimpressions du Messager officiel et de la Gazette de Moscou. Cette précaution ne sauva pas la feuille condamnée. Le ministère de l’Intérieur fit prévenir la direction du Golos qu’il ne serait admis à reparaître que si la propriété et la direction passaient aux mains de personnes agréables au ministre. On comptait transformer la feuille libérale de Pétersbourg en succursale de la Gazette de Moscou de M. Katkof. On lui fit faire des propositions d’achat. Le Golos, alors peut-être l’organe le plus répandu de l’empire, représentait un capital considérable. Son propriétaire, M. Kraïevsky, préféra tout perdre plutôt que de le céder à ses adversaires politiques.

Les feuilles pétersbourgeoises n’ont pas seules souffert de la réaction des dernières années. Le gouvernement de l’empereur Alexandre III, se jugeant insuffisamment armé

  1. Le Poriadok (Ordre) et la Molva, organes du libéralisme modéré, ont ainsi, après une courte existence, disparu au commencement du règne d’Alexandre III. Sous un tel régime, rien de plus difficile que de faire vivre un nouveau journal.