Aller au contenu

Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 2, Hachette, 1893.djvu/574

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dise, n’appartiennent plus à la politique de notre temps ; et y quant aux peuples sujets de la Russie, Polonais ou autres, les procès des conspirateurs montrent combien nulle ou insignifiante a été leur part dans toutes les entreprises du terrorisme[1].

Aux yeux de certains conservateurs ; si le principe du mal n’est ni dans les desseins pervers de l’étranger ni dans les machinations polonaises, il est dans l’émigration russe du dehors, de Suisse, de France, d’Angleterre.

Le comité exécutif, l’occulte gouvernement révolutionnaire qu’on n’a pu saisir à l’intérieur, on se complaît parfois à le placer, loin des yeux ou de la portée des autorités impériales, sur les bords de la Tamise ou de la Seine, sur les rives du Léman surtout. C’est encore là une erreur presque aussi peu soutenable que les précédentes. Certes il y a en Occident, en Suisse, à Paris, à Londres (car les réfugies n’osent guère se fier à l’Allemagne ou à l’Autriche), une émigration russe, grossie par les tracasseries ou les persécutions du gouvernement, émigration en réalité peu nombreuse, mais remuante et active, qui, avec ses typographies et ses journaux en langue nationale, mène de loin, à l’abri des lois de l’Occident, une guerre de plume contre l’autocratie tsarienne. Ces petites colonies comptent dans leur sein plus d’un homme de science et de talent, et, grâce aux rigueurs de la police et de la censure pétersbourgeoise, elles ont pu recouvrer, dans les dernières années, quelque ascendant sur leurs compatriotes. C’est cette émigration, en majeure partie recrutée de proscrits et d’évadés de Sibérie, que les organes officieux aiment à représenter comme la grande officine des conspirations. Pour quiconque a pu connaître un peu ces réfugiés russes, ce n’est guère là qu’une fantaisie sans vraisemblance,

  1. En Pologne même, s’il y a eu des associations révolutionnaires affiliées à la Volonté du peuple, comme la société le Prolétariat, dont les chefs ont été pendus à Varsovie en janvier 1886, les meneurs en étaient pour la plupart Russes d’origine.