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Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 2, Hachette, 1893.djvu/602

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Russie pourrait s’accommoder, et que dans les pays constitutionnels tout n’était pas à dédaigner. N’a-t-on pas vu, au lendemain des échecs de Plevna, les chefs des comités slaves, qui montraient le plus de répugnance pour tout ce qui vient de l’Europe, réclamer plus ou moins ouvertement une réunion des délégués de la nation, qui eût fort ressemblé à nos chambres électives ? Et depuis lors le pouvoir n’a-t-il pas entendu les plus déterminés des révolutionnaires le sommer, à coups de complots et d’explosions, de leur concéder ce gouvernement représentatif si décrié par eux naguère ?

Si tant de Russes ont recommencé à faire fi de la liberté politique, n’est-ce point qu’elle ne leur paraît plus à la portée de leurs mains ? Beaucoup se croient obligés de trouver les raisins trop verts depuis qu’ils désespèrent de les cueillir.

Assurément les adversaires d’un changement de régime ont toute raison quand ils soutiennent qu’on ne saurait par là ramener les révolutionnaires. Pour ces derniers, pour ceux du moins qui méritent ce titre, trop prodigué à Pétersbourg, les libertés légales ne seraient, en Russie, comme partout, qu’une machine de guerre, qu’un instrument de démolition. Mais les révolutionnaires de profession ne seraient pas seuls à profiter des réformes politiques. S’ils y trouvaient de nouveaux moyens d’attaque, l’autorité y pourrait trouver de nouveaux moyens de défense.

Depuis l’ouverture de la longue série des attentats nihilistes, le gouvernement impérial a plus d’une fois adressé un appel solennel à la société, aux classes conservatrices, aux pères de famille, à la noblesse, au peuple, contre les perturbateurs de l’ordre. Près d’une nation légalement muette et inerte, tous ces appels répétés n’ont rencontré qu’un écho mécanique qui renvoyait automatiquement au pouvoir le son de sa propre voix, sans lui communiquer aucune force. Sous le régime en vigueur il n’en sau-