Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 2, Hachette, 1893.djvu/618

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répondit Alexandre III, ce sera son testament. » Que n’a-t-il persisté dans celle opinion et respecté la dernière volonlé de son prédécesseur ! En acceptant ce legs signé du sang encore humide du « tsar martyr », Alexandre III eût échappé à bien des perplexités et à bien des dangers. Le nouveau règne n’eût pas été expose à de périlleuses tentations de réaction, ni à d’énervantes incertitudes. En agissant sans retard, au nom de l’empereur assassiné, le nouvel empereur eût couru au-devant des vœux de l’opinion, sans paraître céder aux injonctions de l’émeute ; il eût à la fois glorifié la mémoire paternelle et relevé le prestige de la couronne. On imagine quels eussent été le sentiment du pays et la confusion des conspirateurs si la Russie et l’Europe eussent appris en même temps la mort violente du tsar et la convocation par cette main refroidie d’une assemblée représentative. Cette modeste charte posthume eût emprunté à des circonstances aussi dramatiques une sorte de consécration.

À cette date, le soir du 1er-13 mars, l’occasion qu’avait laissé échapper Alexandre II pouvait être ressaisie par Alexandre III. On était à un de ces moments critiques où une heure fugitive peut décider de l’avenir d’un règne. Alexandre III ne le comprit point. Sous l’impulsion de certains conseillers, l’impérial élève de M. Pobédonotsef revint sur sa première inspiration. Le ministre de l’Intérieur reçut contre-ordre au milieu de la nuit. Le projet sanctionné par Alexandre II, déjà sous presse à l’imprimerie, ne parut pas le lendemain au Messager officiel. La nouvelle mesure, disait-on au jeune souverain, n’avait pas été assez étudiée ; avant de faire un pareil pas, il fallait en peser toutes les conséquences. Quelques jours plus tard, un conseil extraordinaire, où l’on invitait plusieurs des survivants du règne de Nicolas et des apologistes déclarés du statu quo, examinait de nouveau l’affaire en présence de l’empereur. Cette fois la politique de stagnation l’emportait. La convocation d’une assemblée était