Page:Andersen - Contes danois, trad. Grégoire et Moland, 1873.djvu/183

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blesse. Convulsivement elle tendit la main pour se retenir, mais elle ne saisit que l’air. Elle poussa un cri et tomba. Elle tomba la tête sur le rivage, les pieds dans l’eau ; ses sabots remplis de paille furent entraînés par le courant. C’est ainsi que Marthe la trouva, lorsqu’elle vint lui apporter du café.

Dans l’intervalle, le bourgmestre avait envoyé chez elle un message pour la mander à la hâte ; il avait une communication importante à lui faire. Il était trop tard. Marthe était allée chercher le barbier pour la saigner. Il était trop tard : la pauvre blanchisseuse était morte.

« Elle s’est tuée à force de boire, » dit le bourgmestre.

Voici ce qu’il avait à lui dire. Dans la lettre qui lui annonçait la mort de son frère, se trouvait un extrait du testament de celui-ci. Six cents écus étaient légués à la veuve du gantier qui avait autrefois servi chez leurs parents : cet argent devait être donné à elle ou à son enfant, en sommes plus ou moins fortes, selon leurs besoins.

« Oui, je me souviens, pensa le bourgmestre, il y eut autrefois certaines histoires entre elle et mon frère. C’est bien qu’elle soit partie de ce monde ; l’enfant aura le tout. Je le placerai chez de braves gens et il pourra devenir un habile et honnête artisan. »

Et en effet le bon Dieu voulut que ces paroles fussent accomplies.

Le bourgmestre fit venir le petit. Il promit de se charger de lui, et ajouta qu’il ne devait pas se désoler. C’était sans doute sa mère qu’il avait perdue, mais elle se conduisait par trop mal.

On la porta au cimetière des pauvres. Marthe jeta du sable sur la tombe et y planta un rosier. L’enfant était à côté