Page:Andersen - Contes danois, trad. Grégoire et Moland, 1873.djvu/41

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qu’à Copenhague vivait le poète Guldberg, le frère du colonel qui m’avait témoigné tant de bienveillance à Odensée. Je lui écrivis d’abord, puis j’allai chez lui. L’excellent homme m’accueillit les bras ouverts. Ayant vu par ma lettre combien je connaissais peu l’orthographe, il me promit de m’enseigner ma langue ainsi que l’allemand. Il m’abandonna le produit d’un petit volume qu’il venait de publier. Cela fut connu, et la vente procura, je pense, plus de cent écus.

« Pour faire des économies, je quittai l’auberge et cherchai une chambre particulière. Je tombai chez une veuve qui me demanda vingt écus par mois pour la nourriture et pour une mauvaise chambre sans feu. Mais Weyse m’avait dit que je n’avais pas plus de seize écus à dépenser par mois. C’était ce que Guldberg et lui s’étaient arrangés pour me donner. La veuve m’invita à essayer pendant un jour si la maison me convenait. J’y fus. Elle sortit un instant. Je m’assis sur le canapé fort attristé ; elle m’avait dit tant de mal de tout le monde que je ne me croyais plus en sûreté que chez elle. Et cependant je n’avais pas les vingt écus. En face de moi, j’aperçus le portrait de son défunt mari. Mouillant mes doigts avec les larmes que le chagrin m’arrachait, je les promenai sur le visage du tableau, afin que l’âme du défunt fût instruite de ma douleur et influençât en ma faveur le cœur de sa femme. Celle-ci rentra, et, voyant sans doute qu’elle ne pouvait absolument pas m’arracher plus de seize écus, elle les accepta, et moi, je remerciai Dieu et le brave défunt.

« Je continuais à m’amuser, comme un enfant, avec des marionnettes. Pour avoir de quoi leur confectionner des costumes, j’allais dans les boutiques solliciter des échantillons d’étoffes et de rubans. Je ne possédais pas un schilling ; tout